Je lui dis : « Mon Jésus bien-aimé, n’es-tu pas en train de me dire quelque chose de nouveau en me disant qu’en celui qui vit dans ta Volonté, tu formes ta véritable vie ? Ne s’agit-il pas plutôt de la vie mystique, celle que tu vis dans l’âme en état de grâce ? » Il reprit : « Non, non ! ce n’est pas une vie mystique comme chez ceux qui sont en état de grâce mais n’accomplissent pas leurs actes dans ma Volonté ; ceux-là n’ont pas la matière suffisante pour former les accidents capables de m’emprisonner. C’est comme si le prêtre ne tenait pas d’hostie et voulait prononcer les paroles de la consécration. Il pourrait bien les dire, mais il les dirait dans le vide : ma vie sacramentelle ne surgirait certainement pas à la suite de ces mots.
« C’est ainsi que je suis dans les cœurs qui, bien qu’ils possèdent ma grâce, ne vivent pas totalement dans ma Volonté. Je suis en eux par grâce, mais pas réellement. » Je repris : « Mon Amour, comment est-ce possible que tu vives réellement dans l’âme qui vit dans ta Volonté ? » Il poursuivit : « Ma fille, est-ce que je ne vis pas réellement dans l’hostie sacramentelle, avec mon Corps, mon Sang, mon Âme et ma Divinité ? Et pourquoi est-ce ainsi ? Parce qu’il ne s’y trouve pas une volonté qui s’oppose à la mienne. Si je trouvais dans l’hostie une volonté opposée à la mienne, j’y vivrais une vie ni réelle ni permanente.
« C’est d’ailleurs là la raison pour laquelle les accidents sacramentels sont consumés quand la créature me reçoit, parce que je ne trouve pas en elle une volonté humaine unie à la mienne, qu’elle n’est pas prête à perdre sa volonté pour acquérir la mienne, mais que je trouve en elle une volonté qui veut agir par elle-même. Aussi, je fais ma petite visite et je quitte.
« Par contre, pour une personne qui vit dans ma Volonté, je ne fais qu’un avec elle. Ce que je fais dans l’hostie, combien plus puis-je le faire en cette personne ! Je trouve en elle des battements de cœur, de l’affection, des retours d’amour et mon intérêt, ce que je ne trouve pas dans l’hostie. Pour l’âme qui vit dans ma Volonté, ma vie réelle en elle est inhérente ; sinon, comment pourrait-elle vivre dans ma Volonté ?
« Ah ! tu ne sembles pas vouloir comprendre que la sainteté dans ma Volonté est complètement différente des autres saintetés. Sauf pour les croix, les mortifications et les actes nécessaires de la vie (lesquels embellissent l’âme davantage quand ils sont faits dans ma Volonté), la vie dans ma Volonté n’est rien d’autre que la vie des bienheureux dans le Ciel. Parce qu’ils vivent dans ma Volonté, et en vertu même de cette Volonté, ils m’ont en chacun d’eux comme si je n’existais que pour eux, et cela réellement et non pas mystiquement. Leur vie ne pourrait pas être appelée la vie du Ciel s’ils ne m’avaient pas en eux comme leur propre vie. Leur bonheur ne serait ni complet ni parfait si ne fût-ce qu’une parcelle de ma vie manquait en eux.
« Il en va ainsi pour celui qui vit dans ma Volonté : ma Volonté ne serait ni complète ni parfaite en lui si ma vie réelle, qui soutient cette Volonté, était manquante. Tout cela est un prodige de mon amour. C’est le prodige des prodiges que ma Volonté avait gardé en réserve jusqu’à ce jour et qu’elle veut maintenant faire connaître afin que soit atteint le but premier de la création de l’homme. C’est ma première vie réelle dans une créature que je veux former en toi. »
En entendant cela, j’ai dit : « Ah ! mon Amour, Jésus, cette fois encore je me sens si mauvaise à cause de tous ces contrastes en moi, et tu les connais. C’est vrai qu’ils m’amènent à m’abandonner encore plus dans tes bras et à te demander ce qui me manque. Mais, malgré cela, je sens en moi des perturbations qui me troublent. Tu me dis que tu veux former ta vie réelle en moi ? Oh ! comme je suis loin de cela ! »
Jésus reprit : « Ma fille, ne t’inquiète pas à ce sujet. Ce que je veux, c’est que tu ne fasses rien qui te soit propre et que tu obéisses autant que tu le peux. Il est bien connu que toutes les autres saintetés — c’est-à-dire celles de l’obéissance et des autres vertus — ne sont pas exemptes de mesquineries, de perturbations, de conflits et de pertes de temps, ce qui empêche la formation d’un beau soleil ; au mieux, ces saintetés forment une petite étoile. Seulement la sainteté dans ma Volonté est exempte de ces misères.
« D’autre part, ma Volonté comporte tous les sacrements et leurs effets ; par conséquent, abandonne-toi totalement dans ma Volonté, fais-en la tienne et tu recevras les effets de l’absolution ou toute autre chose qu’on pourrait te refuser. Donc, je te recommande de ne pas perdre de temps, parce qu’en perdant du temps, tu gênes ma vie réelle que je suis en train de former en toi. »