Pendant que je regardais le confesseur, je me suis souvenue qu’il m’avait demandé d’écrire sur la foi selon ce que Jésus m’a enseigné. Je songeais à cela quand, soudain, le Seigneur m’attira si fortement vers lui que j’ai senti que je quittais mon corps pour me joindre à lui dans la voûte des cieux. Il me dit : « La foi, c’est Dieu. »
Ces mots émettaient une lumière si intense qu’il m’apparaît impossible de les expliquer ; cependant, je ferai de mon mieux. J’ai compris que la foi, c’est Dieu lui-même. Comme la nourriture matérielle donne vie au corps pour qu’il ne meure pas, la foi donne vie à l’âme. Sans la foi, l’âme est morte. La foi vivifie, sanctifie et spiritualise l’homme ; elle l’aide à garder les yeux fixés sur l’Être suprême de sorte qu’il n’apprenne rien des choses d’ici-bas, si ce n’est à travers Dieu. Oh ! le bonheur de l’âme qui vit dans la foi ! Son envol se fait toujours vers le ciel. Elle se voit toujours en Dieu. Quand vient l’épreuve, sa foi l’élève vers Dieu et elle se dit : «Oh! je serai d’autant plus heureuse et riche au ciel ! »
Les choses de la terre l’ennuient, elle les déteste et les piétine. L’âme remplie de foi ressemble à une personne riche à millions, possédant de vastes royaumes et à qui quelqu’un voudrait offrir un sou. Que dirait cette personne ? Ne serait-elle pas insultée ? Ne lancerait-elle pas ce sou au visage de la personne qui l’a ainsi interpellée ? Et si ce sou était recouvert de boue comme les choses de ce monde et qu’on voulait seulement le lui prêter ? Alors, la personne dirait : « Je possède d’immenses richesses et tu oses m’offrir ton misérable sou boueux et, de plus, pour un temps seulement ? » Elle refuserait l’offre immédiatement. Telle est l’attitude de l’âme de foi en regard des biens de ce monde.
Revenons maintenant à l’idée de la nourriture. Quand une personne absorbe de la nourriture, son corps est non seulement sustenté, mais la substance absorbée se transforme en son corps. Ainsi en est-il de l’âme qui vit dans la foi. En se nourrissant de Dieu, elle absorbe la substance de Dieu et, en conséquence, elle lui ressemble de plus en plus ; elle est transformée en lui. Puisque Dieu est saint, l’âme qui vit dans la foi devient sainte ; puisque Dieu est puissant, l’âme devient puissante ; puisque Dieu est sage, fort et juste, l’âme devient sage, forte et juste. Il en va ainsi pour tous les attributs de Dieu. En somme, l’âme devient un petit Dieu. Oh ! que cette âme est bienheureuse sur la terre et le sera encore plus au ciel !
J’ai aussi compris que les mots « je vous épouserai dans la foi » que le Seigneur adresse à ses âmes bien-aimées signifient que, dans le mariage mystique, le Seigneur dote l’âme de ses propres vertus. Cela ressemble à ce qui arrive à deux époux : en mettant leurs biens en commun, les biens de l’un ne sont plus distincts de ceux de l’autre ; tous deux en sont propriétaires. Dans notre cas, cependant, l’âme est pauvre et tous ses biens viennent du Seigneur. La foi est comme un roi au milieu de sa cour : toutes les autres vertus l’entourent et la servent. Sans la foi, les autres vertus sont sans vie.
Il m’apparaît que Dieu communique la foi à l’homme de deux façons : d’abord par le baptême et, ensuite, en libérant dans l’âme une particule de sa substance, ce qui lui procure le don de faire des miracles, de ressusciter les morts, de guérir les malades, d’arrêter le soleil, etc. Oh ! si le monde avait la foi, la terre serait transformée en un paradis terrestre ! Oh ! comme est haut et sublime l’envol de l’âme qui s’exerce à la vertu de foi. Elle agit comme ces petits oiseaux timides qui, par crainte des chasseurs ou des pièges, font leur nid au sommet des arbres ou dans des endroits élevés. Quand ils ont faim, ils descendent chercher leur nourriture puis retournent aussitôt à leur nid. Les plus prudents ne mangent même pas au sol ; pour plus de sûreté, ils transportent leurs becquées jusqu’à leur nid où ils avalent leur nourriture.
L’âme qui vit de la foi est gênée par les biens de ce monde et, par crainte d’y être attirée, elle ne les regarde même pas. Sa demeure est plus haut, au-delà des choses de la terre, plus particulièrement dans les plaies de Jésus-Christ. Au creux de ces saintes plaies, elle gémit, crie, prie et souffre avec son époux Jésus à la vue de la misère où gît l’humanité. Alors que l’âme vit dans les plaies de Jésus, ce dernier lui donne une parcelle de ses vertus pour qu’elle se les approprie. Cependant, même si elle reconnaît ces vertus comme siennes, elle sait qu’en réalité elles proviennent du Seigneur.
Il arrive à cette âme ce qui advient à une personne qui reçoit un cadeau. Que fait-elle ? Elle l’accepte et en devient propriétaire. Mais, à chaque fois qu’elle le regarde, elle se dit : « Cet objet est à moi, mais c’est telle personne qui me l’a donné. » Ainsi en est-il pour l’âme que le Seigneur transforme en son image en lui communiquant une particule de son Être divin. Vu que cette âme déteste le péché, elle a de la compassion pour les autres âmes et prie pour celles qui se dirigent vers le précipice. Elle s’unit à Jésus- Christ et s’offre comme victime afin d’apaiser la justice divine et d’éviter aux créatures les châtiments qu’elles méritent. Si le sacrifice de sa vie est nécessaire, oh ! avec quelle joie elle le fera, ne serait-ce que pour le salut d’une seule âme ! »